Du théâtre au cinéma, un bref historique

Dès sa naissance, le cinéma est liéau théâtre non par la technique mais par le besoin d'être reconnu car c'était tellement neuf, tellement étrange que le spectateur de l'époque avait besoin de revenir à ce qu'il connaissait.Le théâtre était donc une référence nécessaire.Au début, les adaptations cinématographiques ne faisaient qu'imiter le théâtre ce qui fait que les esprits éclairés considéraient le cinéma comme quelque chose de primaire, juste bon pour les béotiens, et en aucun cas comme un art.En France, le cinéma s'est énormément inspiré du théâtre et a très tôt enregistré de grandes représentations théâtrales.René Prédal en témoigne dans son livre Cinéma sous influence :Le cinéma à l'épreuve del'Histoire, de la littérature et des genres :《ainsi peut-on déjà admirer à l'Exposition Universelle de 1900 le Phono-Cinéma-Théâtre qui propose Sarah Bernhardt dans Hamlet et Réjane dans Madame Sans-GêneRené Prédal, Cinéma sous influence:Le cinéma àl'épreuve del'Histoire, de la littérature et des genres, op.cit., p.104.》.

Après la Première Guerre mondiale, le cinéma et le théâtre se trouvaient donc face à face, en concurrence, mais commençaient déjà à marquer leur différence.Dans le livre Théâtre et cinéma années vingt:Une quête de la modernité, on a décrit cette différence essentielle :《un art tout de matérialité palpable, audible, de contact charnel, qui fait appel à des arts divers; un art d'ombre et de lumière captée par un appareil et projetésur une toileThéâtre et cinéma années vingt:Une quête de la modernité, textes réunis et présentés par Claudine Amiard-Chevrel, tome 1, Paris:L'âge de l'homme,1990, p.24.》.

Durant les premières années du parlant, un grand nombre de pièces ont été tournées en films.L'expression《théâtre filmé》est née pour désigner ce genre de films.Beaucoup d'hommes de théâtre se sont lancés dans le domaine cinématographique.Marcel Pagnol et Sacha Guitry en sont deux exemples représentatifs.Ils ont fait beaucoup d'adaptations de leurs propres pièces.Sacha Guitry se servait du cinéma pour enregistrer la représentation théâtrale.Mais les réalisateurs ont très vite dépasséle simple duplicata, surtout Marcel Pagnol, qui imaginait des transpositions pour produire du vrai cinéma, tout en servant au mieux le théâtre par le respect des dialogues.Pagnol se passionnait pour les possibilités du parlant et est devenu le chantre du régionalisme en décentralisant son travail à Marseille.La souplesse de la narration a rendu le langage filmique plus riche (montage, mouvements d'appareil, cadrages, ...).

Dans les années trente, les deux tiers de la production française sont constitués d'adaptations, car c'est la période du passage au parlant, du recours fréquent à des dramaturges pour l'écriture des scénarios et des dialogues, et de l'impact du cinéma sur le public.À cette époque, on adapte surtout des vaudevilles:Georges Courteline, Flers et Caillavet, Georges Feydeau, ainsi que la nouvelle génération, Édouard Bourdet, Marcel Achard, etc.Les grands cinéastes cherchent aussi l'inspiration dans les pièces de théâtre:Renoir a tourné On purge bébé(1931)et Boudu sauvé des eaux(1932).La pièce très connue de Marcel Pagnol —Topaze— a eu plusieurs versions.À la veille de la Seconde Guerre mondiale, un des grands succès de la saison 1939 était encore du théâtre filmé:Fric-Frac.

On note des réflexions et des discussions fréquentes sur le statut de ces deux arts et sur leur relation tandis que le travail d'adaptation continuait àévoluer. Différentes façons d'adapter une pièce de théâtre ont vu le jour et continuent à être utilisées aujourd'hui.